Déjà soutenue en 2020 et 2021, la dynamique autour des 6.50 s’est emballée cet hiver, avec une nette hausse des demandes d’adhésion et des listes d’attente sur les courses s’allongent de façon spectaculaire. Tip & Shaft a mené l’enquête au moment où débute la saison en Méditerranée avec la Mini Golfe.
De mémoire de ministe, il faut remonter aux années 2006-2008 pour retrouver trace d’un tel engouement. En 2021, la Mini Transat enregistrait son record historique de participants (90), la dynamique est encore montée d’un cran cet hiver. Depuis le 1er janvier, la Classe Mini a en effet attribué pas moins de 30 nouveaux numéros de voile (20 en moyenne sur l’ensemble de la saison les années passées) et la barre des 300 adhérents devrait être rapidement franchie (294 à date).
Vainqueur en proto de l’édition 2007 et directeur de course de la Plastimo Mini Lorient et de la Mini en Mai, Yves Le Blevec ne s’en étonne pas vraiment : “Le profil moyen du ministe est un jeune diplômé qui veut s’offrir une belle parenthèse avant sa vie professionnelle. Ces gens-là sont légitimes devant un banquier et l’aventure continue de faire sens.” Denis Hugues, qui officie, entre autres, sur la Mini Transat et Les Sables-Les Açores-Les Sables, ajoute : “La météo très clémente en 2021 a créé un appel d’air, c’est certain. Et il y a sans doute aussi un effet Vendée Globe. La classe Imoca a revendiqué 18 anciens ministes sur la dernière édition. Comme tous les jeunes des clubs rêvent de Vendée Globe, ils pensent logiquement à la Mini !”.
Cet engouement n’est pas sans poser problème quant à l’organisation sportive de la saison. Devenue une classique du circuit avec 84 places ouvertes, la Mini en Mai a par exemple reçu le double de demandes d’inscriptions ! Pour les Sables-Les Açores, 108 dossiers ont été déposés pour 72 places, un chiffre à comparer aux 54 bateaux ayant participé à cette même épreuve en 2018 (dernière édition au même format). “Il y a une grosse pression des coureurs pour augmenter le nombre d’inscrits, mais ça suppose plus de places de port, plus de bateaux accompagnateurs, plus de trackers”, tempère Denis Hugues.
Parcours Sup version Mini
Face à cet afflux et au risque de ne pas pouvoir cumuler les milles de qualification requis pour les grandes courses de catégorie A, la Mini Transat en particulier, certains se rabattent sur des épreuves qui avaient du mal à faire le plein les années passées, comme la Calvados Cup, qui affiche désormais complet elle aussi. D’autres jettent leur dévolu sur le circuit méditerranéen qui devrait voir ses listes d’inscrits s’étoffer en 2022.
Du côté de la classe, plusieurs pistes ont été explorées pour répondre à cette demande exponentielle – nouvelles courses d’avant saison, Mini Transat organisée tous les ans au lieu… – mais aucune n’a été retenue. “C’était prendre le risque d’une réponse à chaud qui ne s’avère pas pérenne. On sait d’expérience que le niveau très soutenu de la demande aujourd’hui peut diminuer demain, justifie Amélie Grassi, élue présidente de la classe pour 2022. Nous avons préféré s’appuyer sur notre système de préférences mis en place dès 2019.”
Assez comparable à Parcours Sup pour l’enseignement supérieur, il impose à chaque skipper d’établir une liste de courses auxquelles il souhaite participer dans l’année, avec une numérotation correspondant à ses priorités. Elles sont ensuite croisées avec celles des inscriptions aux courses et la classe opère une ventilation pour que le maximum de vœux n°1 soient exaucés. “Tout ça génère un travail sur les données assez fastidieux mais ça fonctionne plutôt bien“, atteste Camille Croguennec, en charge du programme pour la classe.
Les protos encouragés
En attendant, l’embouteillage fait plutôt l’affaire des protos. Grâce, notamment, à la mise en place de quotas qui assurent à ces derniers 40% de places sur la Mini Transat et désormais 35% sur les courses d’avant-saison. “C’est une nouvelle règle que nous avons adoptée car avec le système de préférences, on prenait le risque de n’avoir aucun proto au départ de certaines épreuves“, explique Amélie Grassi.
Si bien qu’aujourd’hui, un nouvel arrivant qui voudrait être certain de naviguer au maximum a tout intérêt à choisir le proto plutôt que le bateau de série. “Si tu veux boucler un projet Mini en deux ans, c’est aujourd’hui la meilleure garantie de réussite”, confirme Denis Hugues. Et de fait, l’année 2022 devrait voir la mise à l’eau de 8 protos neufs, chiffre bien supérieur à la tendance des années précédentes, dont 6 plans Raison : une construction individuelle, deux pour l’équipe japonaise DMG Mori et trois dans le nouveau moule du chantier IDB Marine, destiné à produire les Mojito 650 (version croisière du plan Raison).
“C’est la prime à un plan éprouvé. Les gens veulent bien faire du proto, à condition que ça marche d’emblée”, commente David Raison. Un nouveau foiler sur plans Manuard, construit pour et par la Franco-Polonaise Caroline Boule chez Multiplast, viendra contester la suprématie des plans Raison, ainsi que deux protos construits par leurs architectes respectifs, Yann Le Dantec et Matéo Lavauzelle.
De nouveaux acteurs
Ce nouveau souffle n’occulte pas la demande écrasante pour les bateaux de série. IDB Marine vient ainsi de livrer le 42e exemplaire du Maxi 650 (vainqueur en 2021) et affiche un carnet de commandes plein jusqu’en… juin 2024 ! Côté Vector, 25 unités ont été construites avec encore “5 à 6 commandes à honorer”, se félicite l’architecte Etienne Bertrand. Quant à Structures, constructeur des Pogo 3, il s’est engagé à livrer 5 exemplaires d’ici l’été avant d’arrêter la série : “Nous avons trop de travail avec les Class40 et les unités de croisière pour continuer, explique Tanguy Bouroullec, troisième (en proto) de la dernière édition de la Mini Transat, qui s’occupe désormais de la production. C’est vrai que nous réfléchissons à un Pogo 4, mais nous n’avons pas démarré les études et ce ne sera de toute façon pas pour la Mini 2023″.
Ce marché tendu profite à de nouveaux acteurs, à l’instar du chantier Technologie Marine qui annonce que 9 exemplaires du nouveau TM650, sur plans Sébastien Magnen, ont d’ores et déjà été réservés. Destiné à Gaël Ledoux, le premier devrait toucher l’eau début mai, le projet semble dans un bon timing pour que le TM650 soit classé bateau de série dès la prochaine Mini (10 exemplaires doivent avoir été produits). Mais il faudra que l’un d’eux ait couru Les Sables-Les Açores cette année, en terminant sans dommage structurel majeur, une nouvelle exigence de la jauge.
Pour accompagner l’explosion de la demande, de nouveaux centres d’entraînement ont par ailleurs vu le jour. Après Douarnenez et Ouistreham l’an passé, Orlabay, qui vient d’être lancé à La Trinité-sur-mer, compte déjà 30 membres ! “Les nouveaux arrivants sont souvent des gens très organisés. Ils veulent progresser et la demande d’encadrement est considérable“, explique Yves Le Blevec qui a contribué à la naissance du centre, où Daniel Souben officie comme entraîneur. Au total, pas moins de 10 structures d’entraînement actives, ouvertes ou dédiées aux Minis, existent sur le littoral français, auxquelles s’ajoutent celles de Barcelone et Gênes à l’étranger !
Photo : Alexis Courcoux