Lundi, quand les concurrents de la Mini Transat EuroChef ont pris leur envol des Sables d’Olonne vers Santa Cruz de la Palma, terme de la première étape, Jean-François Nevo, le patron du fabricant de mât AG+ Spars, n’a pu éviter un petit pincement au coeur de fierté… et de stress aussi : 50 des 90 bateaux se sont élancés avec un espar fabriqué par son entreprise !
Un compagnonnage désormais ancré dans l’ADN de cette société charentaise. Créée dans les années 1980, AG+ Spars est rachetée en 2002 par Jean-François Nevo, ingénieur entré dans la l’entreprise en 1995 et régatier de haut niveau (préparation olympique en Soling, match-racing avec Luc Pillot…).
Jusqu’alors focalisée sur les mâts de dériveurs (notamment de 420), l’entreprise, installée à Saint-Laurent-de-la-Prée, près de Rochefort, se développe en fournissant en mâts alu et carbone des chantiers comme Latitude 46, qui construit les Tofinou, Beneteau avec le Class 7.5, puis J Composites, désormais son plus gros client.
AG+ Spars s’intéresse parallèlement à la classe Mini, que Jean-François Nevo avait déjà approchée à la fin des années 1990 : “C’était la classe idéale pour développer nos produits dans une optique de performance, avec des sujets de poids, de fiabilité et de flexion des tubes, que nous maîtrisions déjà. Sur les mâts de dériveur, on utilise par exemple des peaux en aluminium très fines, parce qu’il y a un poids imposé, on a beaucoup appris dans ce domaine et ça nous a permis de transposer notre savoir-faire à une échelle plus grande et donc de faire des mâts de Mini plus légers que la concurrence.”
Au début des années 2000, AG+ Spars équipe ainsi plusieurs minis de série, comme le Ginto (plan Magnen), puis le Mistral (plan Nivelt), mais également le proto Tip Top II de Sam Manuard. Des premières collaborations fructueuses, puisque, depuis, ses mâts alu sont partout : sur les Argo, Nacira, Ofcet et Pogo 3, mais également sur les premiers scows de série sortis ces trois dernières années : Maxi, Vector et Wevo.
Rien d’étonnant pour Etienne Bertrand, l’architecte des Ofcet et des Vector : “Quand j’ai dessiné l’Ofcet, j’avais des idées précises sur les emplantures de barres de flèches et des diagonaux, je me suis adressé à plusieurs chantiers, AG+ est le seul à avoir répondu positivement. A l’époque, Pierre Leboucher (ex spécialiste de 470 devenu figariste) travaillait chez eux, nous avions beaucoup discuté avec lui et Jean-François pour arriver à la solution que je souhaitais. C’est le seul fournisseur qui savait faire un truc un peu custom.”
Un fournisseur qui trouve son compte dans cette classe Mini, comme le souligne Vianney Guilbaud, responsable commercial, lui aussi passé par la voile de haut niveau : “C’est un marché qui présente un double intérêt pour nous : d’abord, il nous permet rencontrer des marins qu’on retrouvera plus tard sur d’autres supports, ensuite il nous pousse à faire progresser nos produits : c’est le cas avec les scows qui sont bien plus puissants et nous posent donc de nouvelles problématiques.”
Fort d’une croissance régulière – le chiffre d’affaires de 1,1 million d’euros augmente “de 5 à 10% chaque année depuis six ans” – Jean-François Nevo réfléchit à la suite. “A court terme, on aimerait bien rentrer un peu plus dans le monde de l’IRC ; on s’y sent légitimes, car on sait travailler avec des chantiers qui produisent des petites séries et faire du développement. A plus long terme, les Class40 pourraient nous intéresser, car c’est assez proche des Minis.”
Sans renier les fondamentaux : AG+ équipait les deux 470 français présents aux Jeux olympiques de Tokyo, dont celui, médaillé de bronze, de Camille Lecointre et Aloïse Retornaz.
Photo : Christophe Breschi