La saison 2 de SailGP a débuté vendredi aux Bermudes (la journée de régates prévue samedi a été annulée en raison du peu de vent annoncé), avec un Grand Prix sur fond de confinement auquel participent huit équipes. L’occasion d’échanger avec le Suisse Julien Di Biase, directeur général des opérations du circuit de F50.
Après une année 2020 finalement annulée, comment se présente cette saison 2 de SailGP et ce premier Grand Prix confiné ?
L’an dernier, après avoir démarré à Sydney puis pris rapidement la décision d’annuler complètement la saison, nous avons aussitôt commencé à travailler sur cette année 2021 en se disant que, quel que soit l’environnement dans lequel on évoluerait, il faudrait qu’on puisse opérer tous les événements. Nous avons recueilli pas mal d’informations dans les pays où nous voulions aller pour savoir ce que faisaient les gouvernements, quelles étaient les tendances par rapport au Covid, comment faisaient les autres sports, ce qui nous a permis d’avoir toujours une idée assez claire des chances de pouvoir organiser des événements ou pas, mais aussi de travailler pour établir un protocole Covid solide. Ce qui fait que quand, tout à coup, les choses ont commencé à mal tourner aux Bermudes, jusqu’au confinement qui est arrivé il y a dix jours, nous avons quand même pu continuer à opérer.
Avez-vous des certitudes sur la viabilité de toute la saison aux endroits et dates prévus ?
Oui, j’en suis convaincu. D’abord parce que nous nous sommes préparés pour, ensuite parce que nous avons des partenariats très forts avec les villes, enfin parce que le monde a évolué : plusieurs pays ont mis en place des mesures pour que le sport professionnel puisse continuer même dans un contexte de confinement ou de couvre-feu.
Avez-vous dû adapter le modèle économique de SailGP, sachant que vous ne pourrez peut-être pas vendre beaucoup de billets ?
On va continuer la vente de billets, dans une mesure moindre évidemment. Ici aux Bermudes, nous avons quand même vendu des billets sur l’eau ; en Italie, on aura probablement des spectateurs, sans que ce soit payant, puis, à partir de Plymouth, on espère que ça va se stabiliser, je pense que cet aspect va reprendre progressivement. Maintenant, ce n’est pas la vente de billets qui finance vraiment l’ensemble du circuit, ce sont essentiellement les villes et le sponsoring. Les gros changements que nous avons effectués, c’est d’abord de réduire nos coûts partout où on le pouvait – et ce n’était pas forcément lié au Covid. On a notamment des gens qui travaillent sur les événements mais en restant chez eux, y compris parmi les arbitres ou à la direction de course. On était proches de 400 personnes sur place, teams compris, lors de la saison 1, on est aujourd’hui à peu près 200. Parallèlement, on a réussi à trouver de meilleurs partenariats avec les villes et à augmenter le nombre de nos sponsors.
“Les villes assurent 50% du prix coût de production des événements”
Nous étions à 4-4,5 millions de dollars selon les villes, aujourd’hui on est autour de 3-3,5. Au niveau du financement, les partenariats avec les villes, qui versent du cash, mais apportent aussi des services en nature et du soutien à la promotion, sur l’ensemble de la saison, assurent 50% du prix coût de production des événements, c’est un gros changement par rapport à la saison 1 qui était plus une année d’investissement pour SailGP. Pour le reste, les partenaires privés apportent environ un quart du budget sur l’ensemble de la saison, ce qui veut dire que SailGP continue d’investir pour le reste.
Nous avons parlé avec Cannes, Brest, Marseille (qui avait accueilli la saison 1), Port-Camargue, Nice, finalement, Saint-Tropez est la ville qui s’est montrée la plus intéressée pour accueillir SailGP, et nous avons noué des relations étroites avec la mairie et la Société Nautique de Saint-Tropez. C’est aussi un lieu qui correspondait bien à l’image que l’on voulait donner de l’événement, avec un côté iconique.
Le budget est le même, il est réduit par événement, mais comme il y en a 8 au lieu de 6, ça revient au même. Pour ce qui est du processus de financement, il prend un peu plus de temps que celui du championnat, mais il y a des signaux positifs, avec des petits partenaires qui rentrent, des discussions qui deviennent très concrètes avec de potentiels sponsors principaux. Je pense que le fait de pouvoir revenir en course va permettre aux teams de réussir à transformer certaines de ces discussions. A ce jour, seule l’équipe danoise a un sponsor principal (Rockwool). On a aussi des équipes qui nous contactent pour entrer dans le circuit, sachant que celles qui veulent entrer doivent arriver avec l’ensemble du financement. Notre objectif est d’atteindre dix équipes et autant d’événements dans tous les pays concernés.
Oui, il y a la pression de performance sur l’eau, mais, en parallèle, celle de se financer va s’accroître cette année. C’est un peu comme pour les villes : on ne va pas retourner plusieurs fois dans une ville où on ne va pas trouver de financement. La logique est plus complexe avec les équipes, car il y a un côté humain et performances sportives à prendre en compte, mais la logique reste sensiblement la même.
“Passer de six à huit bateaux va changer la donne”
Je ne comparerais pas les deux, car c’est très différent au niveau du sport : on a tous les bateaux sur une même ligne de départ, même si à la fin, ça se termine à deux. L’autre grosse différence, c’est qu’ils sont tous identiques. Après, au niveau du plateau, on est vraiment enchantés d’avoir les meilleurs du monde et, en ce moment, ils pensent tous qu’ils peuvent gagner !
On aura un niveau très élevé, c’est une certitude ; j’espère et je pense qu’il sera aussi très serré. Les équipes qui avaient plus de difficultés en 2019 ont beaucoup travaillé l’an dernier, soit individuellement sur des supports à foil, soit en groupe sur des bateaux plus gros. Je pense que le fait de passer de six à huit bateaux va aussi changer la donne ; en tout cas ça va augmenter la tension.
Oui, c’est indispensable d’une part de pouvoir assurer la sécurité des marins, d’autre part de pouvoir continuer à naviguer quand on a de gros crashs. Ce sont des bateaux qui vont extrêmement vite, donc il y a énormément de G dans les virements, les empannages, les marins peuvent perdre prise, mais ils sont attachés. Ce qui signifie qu’ils peuvent se déplacer sur le bateau, mais en principe pas tomber à l’eau, ce qui est le danger principal, avec le risque de se faire heurter par un foil. Ensuite, s’ils chavirent, on pense qu’on peut gérer la situation, on l’a vécue d’ailleurs ici lors des entraînements avec le F50 américain. On a moins vécu de très gros crashs entre deux bateaux ; j’espère que ce ne sera pas le cas.