Après une saison 2019 qui s’est achevée par la victoire du duo Charlie Dalin-Yann Eliès sur la Transat Jacques Vabre, la classe Imoca s’apprête à vivre une année 2020 intense avec deux transats au printemps (The Transat CIC et New York-Vendée Les Sables d’Olonne) puis le Vendée Globe en novembre. Tip & Shaft fait le point avec son président, Antoine Mermod.
Quel bilan dresses-tu de la Transat Jacques Vabre ?
Il est excellent, puisque nous avons eu 29 bateaux au départ, le plus grand nombre de participants sur une course Imoca – ex æquo avec le Vendée Globe 2008 – et 27 à l’arrivée. C’est un excellent score qui s’inscrit dans la continuité de la Route du Rhum – 16 sur 20 – et de la Jacques Vabre 2017 – 13 sur 13. Le niveau de fiabilité est intéressant, même s’il faut un peu tempérer sur cette Jacques Vabre parce que les conditions n’ont pas été extrêmes. Sportivement, à tous les niveaux, il y a eu du jeu, avec une belle bagarre entre les « petits » projets et dans le groupe du milieu, et une énorme devant avec notamment les nouveaux foilers qui ont montré d’entrée un sacré potentiel. Avec cette Jacques Vabre, on est rentré au cœur de l’action de ce que sera le prochain Vendée Globe.
A propos du Vendée Globe, l’annonce du retrait du Belge Denis Van Weynbergh montre que la course reste difficile à vendre dans certains pays, qu’en penses-tu ?
C’est forcément une très mauvaise nouvelle, parce que le Vendée Globe est une formidable aventure qui demande un engagement énorme de la part des skippers et de leur entourage, on ne peut pas se réjouir quand on en voit un ne pas pouvoir aller au bout de son rêve. Pour ce qui est de la difficulté de vendre la course à l’étranger, on a vu que ça concerne aussi des Français et des très bons : la preuve avec Paul Meilhat et Yann Eliès, les deux premiers du championnat Imoca, qui ne seront pas au départ. Maintenant, c’est vrai que la notoriété du Vendée Globe à l’étranger doit progresser. Nos marins, nos ingénieurs, nos chantiers sont des références mondiales, il n’y a pas de raison pour que nos grandes courses n’aient pas une résonance internationale, on ne peut pas se satisfaire de n’avoir que des retombées régionales ou nationales. Donc c’est légitime et inévitable de continuer dans cette voie de l’internationalisation. C’est compliqué à faire, mais nous menons plusieurs actions conjointes avec la SAEM Vendée : l’association de l’Imoca avec The Ocean Race a conduit des marins étrangers à s’intéresser beaucoup plus à nos bateaux, la preuve avec 11th Hour qui a fait la Jacques Vabre puis le retour en convoyage avec un équipage international ; il y a aussi le fait que The Ocean Race relaie énormément auprès de toute sa communauté tout ce qui se passe en Imoca. Et, de son côté, le Vendée Globe a décidé, à la fin de la dernière édition, de mettre des moyens pour avoir davantage de visibilité à l’international, ils font de gros efforts en ce sens, et, franchement, l’intérêt de l’étranger a bien progressé depuis trois ans.
Tu parles de The Ocean Race, on ne voit pas arriver de nouveaux projets Imoca en dehors de 11th Hour, ni beaucoup d’intérêt du côté des teams actuels, y a-t-il un peu d’inquiétude ?
Non. En France, tout le monde est focalisé aujourd’hui sur le Vendée Globe, ça n’empêche pas qu’un certain nombre d’équipes travaillent pour la suite, beaucoup de choses se passent. C’est pareil du côté des projets étrangers, ça bouge en Espagne, ça bouge dans l’hémisphère Sud et d’autres continents, des choses vont arriver. Ça serait forcément plus facile d’avoir 15 bateaux inscrits aujourd’hui, c’est vrai que c’est une période très frustrante parce que tout le monde attend beaucoup, mais on est loin d’être inquiets. Aujourd’hui, on est au cœur de la face cachée des projets, c’est trop tôt pour dire si c’est gagné ou perdu.
Tu évoques 15 bateaux, c’est l’objectif ?
Au départ, on parlait de 10-15 bateaux, là, on est plus autour de 8-12. Après, il va y avoir deux étapes : une première qui va se terminer l’été prochain, à l’issue de laquelle on saura combien il y aura de bateaux neufs parce que ce sera trop tard après ; une seconde, juste avant ou après le Vendée Globe, qui nous dira quels bateaux continueront jusqu’à The Ocean Race. Ce que je persiste à dire, c’est que pour des beaux projets qui font le Vendée Globe, rajouter The Ocean Race ne t’emmène pas dans des délires budgétaires par rapport à une saison avec la Jacques Vabre. Les dix gros teams du Vendée Globe ont déjà 80% du budget à leur disposition, avec la possibilité d’avoir des retombées extrêmement conséquentes.
Sauf que si tu regardes les partenaires des candidats au Vendée Globe aujourd’hui, peu ont d’intérêts à l’étranger…
C’est pour ça que le partenariat avec The Ocean Race s’inscrit sur le long terme. Le premier coup, c’est un peu une transition, l’annonce de notre association avec la course est arrivée assez tard dans la vie des projets qui font le Vendée Globe, on est venus rajouter une opportunité qui n’existait pas au départ. Mais un des objectifs à long terme est d’être capable, en plus des gros partenaires ayant des intérêts en France, d’intéresser des gros sponsors ayant aussi besoin de retombées à l’étranger, l’idée est de viser d’autres profils.
Tu parles de gros projets Vendée Globe, certains ont beaucoup dépensé sur cette campagne, avec une deuxième paire de foils pour la plupart des nouveaux bateaux voire un deuxième mât, c’est trop ?
Oui et non. Non, parce que les équipes qui sont là pour gagner se donnent le maximum de moyens de le faire, et on peut se réjouir de voir un certain nombre d’équipes arriver à jouer à ce niveau. Oui, parce qu’en valeur absolue, ce sont de gros budgets. Sur du long terme, on est extrêmement attentifs au fait de rester dans un modèle budgétaire qui puisse permettre de faire de belles courses avec un maximum de bateaux.
Vous allez justement évoquer l’avenir lors de la prochaine AG de l’Imoca en mars et notamment la jauge en vue du Vendée Globe 2024, on parle beaucoup de plans porteurs sur les safrans, se dirige-t-on vers cette évolution ?
C’est clairement un des principaux sujets sur lequel on travaille actuellement. Il y a aujourd’hui des équipes qui pensent que c’est inévitable, estimant qu’à partir du moment où on vole, il faut se donner les moyens de le faire le mieux possible. Et d’autres qui pensent qu’on a déjà fait un énorme pas en avant avec la génération 2020 et qu’il faut commencer par digérer cette évolution avant d’ajouter de nouveaux artifices. Aujourd’hui, la possibilité de ces plans porteurs existe, mais je ne peux pas dire si ça se fera ou pas, l’AG se prononcera. Il y a aussi un sujet sur les foils en eux-mêmes : faut-il ou non apporter des limitations ? Sachant qu’il y a des sujets liés comme le coût des pièces, le temps de fabrication, les problèmes de place dans les ports.
Vous allez également discuter du programme 2021-2024, à quoi peut-on s’attendre ?
L’après-Vendée Globe se présente bien, car contrairement à 2016, où beaucoup de projets s’arrêtaient au terme de la course, un certain nombre sont aujourd’hui déjà validés jusqu’à la Route du Rhum 2022, voire jusqu’au prochain Vendée. On n’est donc pas dans une rupture, plutôt dans une continuité, et on ne compte pas révolutionner les choses. On a des beaux bateaux, un bon programme, des skippers de malade et des sponsors contents, on a tout intérêt à solidifier tout ça plutôt que de chercher à faire autre chose. On va donc continuer à s’appuyer sur nos grands rendez-vous, avec The Ocean Race en plus, d’autres courses viendront compléter le programme.
Qu’en est-il de la Barcelona World Race ?
On n’a pas forcément de projet concret pour une prochaine Barcelona, donc pour l’instant, ce n’est pas au programme, mais peut-être que ça le deviendra, on continue en tout cas à avoir des contacts réguliers avec la Fnob.
La saison 2020 débutera en mai avec The Transat CIC puis la New York-Vendée, comment s’annoncent ces deux courses ?
Dans les intentions, on a entre 18 et 22 bateaux sur The Transat, entre 23 et 27 sur New York-Vendée, ça fait à chaque fois une très belle flotte.
Sur The Transat CIC, les Ultims seront de la partie, comment s’annonce la cohabitation ?
Ces courses multi-classes sont à chaque fois une grande fête de la voile, c’est dément de voir tous ces bateaux réunis dans le même port. Après, quand certains vont à 40 nœuds d’autres à 10, il faut trouver un équilibre pour que tout le monde y trouve son compte, donc il faut affronter les problèmes pour trouver les meilleures solutions, on y travaille avec l’organisateur et les autres classes, pas seulement avec la classe Ultim.
Pour finir sur la New York Vendée, qui organise la course ?
C’est une sorte de co-organisation. Les droits de la course appartiennent à la classe Imoca, mais c’est Sea to See, l’équipe de Gwen Chapalain, qui a été mandatée pour organiser la course. Le département de la Vendée et la ville des Sables d’Olonne sont aussi très impliqués.
Qui finance la course et quel est son budget ?
Le budget est autour de 700 000 euros (HT), le département et la ville prennent en charge 60%, le reste étant assuré par un partenaire horloger et les inscriptions.
Photo : Jean-Louis Cari/Imoca
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