La remise des prix du championnat de France Elite de course au large a eu lieu samedi au Nautic, elle a récompensé le champion de France 2019, Benjamin Schwartz, qui disputait, à 32 ans, sa toute première saison en Figaro. Joint mardi dernier (puis vendredi matin par mail) au moment où il embarquait sur Spindrift 2 pour une tentative de Trophée Jules Verne avortée au bout de 24 heures, le Lyonnais est revenu sur son parcours et sur ses projets.
Comment es-tu arrivé dans la voile ? Viens-tu d’une famille de « voileux » ?
Non, pas du tout, je suis lyonnais et j’ai commencé à naviguer avec mon prof de judo, un mec fantastique qui nous emmenait faire du VTT, de la montagne, mais aussi du dériveur l’été sur les lacs et de l’habitable sur son bateau de croisière en Méditerranée. Tout ce que je fais maintenant, c’est lui qui me l’a transmis, il m’a donné la passion pour la voile et pour la compétition, et l’envie de me lancer là-dedans après mes études.
Qu’as-tu fait comme études ?
Je suis rentré en école d’ingénieur en agro-alimentaire, je n’ai fait qu’un an, j’ai ensuite fait une licence de géologie appliquée, et après, je me suis concentré sur la voile. J’ai commencé par régater en Méditerranée en IRC en 40 pieds puis sur des bateaux plus gros, jusqu’au Volvo 70 SFS de Lionel Péan, sur lequel j’ai été numéro 1. Ensuite, je suis parti sur Dongfeng.
Comment es-tu rentré chez Dongfeng ?
J’avais contacté Charles (Caudrelier) pour une place de navigant en moins de 30 ans, malheureusement, la règle avait changé pour la dernière édition, et j’étais juste trop « vieux » pour être admis en moins de 30. Charles m’a alors dit qu’il cherchait quelqu’un pour s’occuper de l’électronique, je n’étais pas sûr d’avoir toutes les compétences nécessaires, il m’a répondu qu’on allait essayer et ça a marché.
Pourquoi as-tu ensuite décidé de te lancer sur le circuit Figaro ?
C’est quelque chose qui me trottait dans la tête depuis un bon moment. Vers la fin de la campagne avec Dongfeng, Charles m’a vraiment poussé à franchir le pas en me disant que la meilleure voie pour progresser, c’était le Figaro, et qu’il n’y avait pas de raison que je ne réussisse pas, sachant que c’était plus « facile » d’arriver en Figaro 3 qu’en Figaro 2. Il m’a convaincu et j’ai déposé l’acompte pour acheter un bateau au mois de mai.
Comment as-tu fait pour financer ta saison ?
J’ai fait la Volvo ! Je rigole, mais c’est ça qui m’a permis de financer l’acompte pour l’achat du bateau. Après, malheureusement, ça a été compliqué de financer ma saison, parce que je n’ai pas trouvé de partenaire. J’avais décidé dès le début de m’associer à Action contre la Faim, parce que je voulais supporter leur cause, l’idée était qu’on trouve ensemble un partenaire, soit extérieur, soit parmi leurs mécènes, malheureusement, ça n’a pas fonctionné. Et à un moment donné, je me suis surtout concentré sur la navigation, je préférais passer du temps sur l’eau plutôt qu’au bureau à chercher des partenaires. Ça a été une année difficile, parce que financièrement, je termine tout juste de payer ma saison, mais je ne regrette absolument pas, parce qu’en termes sportifs, je me dis que je n’ai pas fait le mauvais choix.
Effectivement, tu termines premier bizuth et dans le Top 10 de la Solitaire puis champion de France pour ta première saison en Figaro, des résultats inespérés ?
Premier bizuth, c’était un objectif, après, quand tu regardais la liste des inscrits sur cette Solitaire, tu ne pouvais pas dire que tu voulais rentrer dans les dix, ce n’était clairement pas envisagé. Le titre de champion de France encore moins !
Quels ont été les ingrédients de ta réussite ?
Déjà, on est à peu près tous partis sur un pied d’égalité avec le nouveau bateau, qui a peut-être bousculé les habitudes des figaristes. Ce qui est sûr, c’est qu’à Lorient, on avait un bon groupe d’entraînement autour de Tanguy Leglatin, et au sein du Hub (by OC Sport), j’étais aussi bien entouré avec Fabien (Delahaye) et Charles, puis Yoyo (Yoann Richomme), tu apprends forcément beaucoup en les regardant faire. J’étais donc dans un très bon environnement pour réussir.
Christian Le Pape parlait dans nos colonnes de la « clémence » du jury de la Solitaire suite à la « redress » qu’il t’avait accordée après la collision dont tu avais été victime de la part d’Alain Gautier au départ de la deuxième étape, ce qui t’a fait réagir, tu estimes que c’est injustifié de sa part ?
Oui, c’est injustifié à double titre. D’abord parce qu’il est quand même un petit peu représentant de la Fédé, entraîneur dans une structure reconnue, et il se permet de commenter une décision d’un jury national complètement indépendant, je trouve ça « border line ». Ensuite, je ne suis pas le premier à avoir bénéficié d’une « redress » comme ça, à commencer par Bernard Stamm en 2010, exactement dans les mêmes conditions.
Après cette première saison réussie, tu as commencé par te présenter à la sélection Skipper Macif pour finalement te retirer, alors que tu faisais partie des finalistes, pourquoi quitter le circuit Figaro si vite ?
Je m’étais présenté parce que cette sélection m’aurait forcément donné une certaine aisance qui m’a manqué cette année. C’était aussi l’occasion de m’entraîner avec le groupe à Port-la-Forêt, ce qui m’aurait permis de combler mes lacunes, et, pourquoi pas, de travailler sur d’autres projets chez MerConcept. Donc sur le papier, c’était très bien, mais j’ai reçu une autre proposition la veille de la sélection qui m’a finalement fait pencher pour autre chose. C’est un pari que je fais, j’espère que ça va marcher, mais ce n’est pas pour autant que je quitte la classe Figaro et que je n’y reviendrais pas. La preuve : il y a de fortes chances que je sois au départ de la Transat AG2R, ce sera l’occasion de fermer mon premier chapitre en Figaro.
Avec qui feras-tu l’AG2R ?
Ce sera une sorte de « joint venture » avec un autre skipper, je ne peux pas trop en parler encore parce que ce n’est pas acté, et probablement sur mon bateau que je mettrai en location pour le reste de la saison ou que j’essaierai de le vendre sur la côte Est des Etats-Unis, après l’arrivée à Saint-Barth.
Le choix que tu as fait, c’est de rejoindre 11th Hour Racing ?
(Rires). Oui, je travaille avec eux. Jusqu’à présent, ils étaient focus sur l’objectif Transat Jacques Vabre avec Pascal (Bidégorry) et Charlie (Enright), donc c’était de l’accompagnement sur l’électronique et la performance. Après, l’objectif est d’intégrer le projet pour The Ocean Race.
Pourquoi The Ocean Race plutôt que le Figaro ?
Je pense que le planning est bon pour moi. C’est une course qui a lieu tous les trois ans, j’en ai fait une en tant que technicien, mais je n’ai pas encore été navigant, je me dis que j’ai le bon âge pour la faire, une opportunité se présente, à moi d’essayer de la transformer. Même si je ne suis pas sûr du bien-fondé du choix de The Ocean Race de basculer en Imoca, les progrès qui sont faits actuellement sont passionnants, il y a énormément de développements, c’est une chance d’être impliqué dedans avec 11th Hour, les bateaux sont extraordinaires.
A plus long terme, as-tu d’autres envies ?
Quand tu as fait une Solitaire, tu as envie d’y revenir pour faire mieux, voire la gagner, c’est quelque chose que je vais garder dans un coin de la tête. Ensuite, ce que je fais avec Spindrift, chasser les records sur des bateaux comme ça, fait partie des choses qui me font rêver, c’est passionnant.
Cette nouvelle tentative s’est interrompue au bout de 24 heures ? Pourquoi et quel est le sentiment à bord ?
On a eu des décrochages de safrans de flotteurs, entraînant une perte de contrôle du trimaran lorsque que l’on navigue à haute vitesse. Et cela de manière récurrente. C’est allé très loin hier (jeudi) : alors qu’on naviguait à 40 noeuds, sur une légère abattée, le bateau est parti et il a fallu deux personnes pour retenir la barre et éviter l’empannage, occasionnant par la même une forte détérioration du système de transmission. C’est une douloureuse déception, toute l’écurie a été sur le front en octobre et novembre pour résoudre le problème. On a alterné navs de test, durant lesquelles on a vraiment poussé le bateau, et périodes de modifications en atelier, jusqu’à avoir un bateau que l’on pensait fiable pour faire un tour du monde.
Photo : AFP Services/William Alix-Nautic 2019
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