90 solitaires, dont 78 bizuths, représentant 13 nationalités différentes, prendront le départ, dimanche 22 septembre à 14h15 à La Rochelle, de la première des deux étapes de la 22e édition de la Mini-Transat La Boulangère. Comme avant chaque grande course, Tip & Shaft s’est entouré de spécialistes – le directeur de course Denis Hugues, le ministe Hugo Dhallenne (2e de la Transgascogne en Maxi et candidat à la Mini en 2021), le vainqueur des éditions 2015 (en série) et 2017 (proto) Ian Lipinski, l’entraîneur du pôle de Lorient Tanguy Leglatin et Rémi Aubrun, à la fois navigateur (Mini, Class40) et responsable du bureau d’études de la voilerie All Pupose.
Série : Ambrogio Beccaria au-dessus du lot ?
Ils seront 68 à prendre le départ en série, et de l’avis de nos spécialistes, s’il fallait dégager un favori, ce serait l’Italien Ambrogio Beccaria, qui, l’an dernier, a gagné cinq des six courses auxquelles il a participé, avant d’enchaîner trois victoires en cinq épreuves en 2019 sur son Pogo 3 Geomag. “Il maîtrise son sujet, a déjà couru la Mini-Transat, il a aussi fait une étape du Défi Atlantique cet hiver en Class 40 (avec Catherine Pourre), il a donc l’expérience de la longueur, je le mets forcément en haut de la pile”, confirme Tanguy Leglatin. Hugo Dhallenne ajoute : “Il va toujours vite et prend souvent de très bonnes options. J’ai navigué à côté de lui, je l’ai vu traverser un nuage 10 000 fois mieux que moi, il est vraiment fort.” Denis Hugues tempère : “Ambrogio a l’étiquette de favori, mais il n’est plus souverain. Sur la Transgascogne (12e place), il prend une mauvaise option sur la deuxième étape, et déjà sur la première, il était en retrait. Et derrière, ça pousse fort.” Pour Rémi Aubrun, “Ambrogio a un peu de pression parce qu’il n’a pas eu les mêmes résultats que l’an dernier, mais s’il ne surjoue pas et fait les choses à son rythme, il va gagner.“
Ses principaux concurrents ? Denis Hugues cite Matthieu Vincent (L’Occitane en Provence), vainqueur des deux étapes de la Transgascogne, Arnaud Machado (Pro Yachting Sogelink), “un homme du lac (Léman) qui va très vite dès qu’il n’y a pas beaucoup de vent” (premier de la Mini en Mai et deuxième du Trophée Marie-Agnès Péron), et Félix de Navacelle (Youkounkoun), deuxième de la Pornichet Select et troisième de la Transgascogne. A cette liste, Rémi Aubrun ajoute Amélie Grassi (Action Enfance), “qui sera sur le podium”, Pierre Le Roy (Arthur Loyd), Nicolas D’Estais (Cheminant-Ursuit) et Sébastien Guého (Technique Voile-GSea Design).
Tous des marins qui naviguent en Pogo 3 : faut-il en déduire que les plans Verdier gardent de l’avance sur les nouveaux scows signés David Raison (cinq Maxi au départ) ou Etienne Bertrand (trois Vector) ? “Les Maxi progressent, ça met un peu plus de temps que prévu à cause de problèmes de fiabilité, mais aussi parce que personne n’a réussi à réunir tous les ingrédients, à savoir les moyens et le temps, répond Tanguy Leglatin. On va voir s’ils arrivent à tenir le rythme sur la durée. Quant aux Vector, le bateau me semble plus compliqué en utilisation, Kéni (Piperol) et Antoine (Oulhen) n’ont pas eu beaucoup de moyens pour se préparer”.
Propriétaire d’un Maxi, à bord duquel il a terminé deuxième de la Transgascogne, Hugo Dhallenne ajoute : “Des modifications ont été faites pour remédier aux problèmes de ferrures basses de safran et de bouts-dehors et les bateaux sont globalement fiables. Mais ils sont encore loin d’avoir le niveau de mise au point des Pogo 3, qui ont un peu moins de potentiel mais savent aller vite tout de suite.” L’intéressé ajoute, à propos du Maxi : “Sur le Mini-Fastnet, à 130 degrés du vent et dans 25 nœuds, je n’ai pas pris une vague sur le pont, alors que dans ces conditions en Pogo 3, tu es trempé. Pour le moral et la fatigue du skipper, la différence est énorme”. Ce que confirme Ian Lipinski : “Les scows sont beaucoup plus faciles à mener que les Pogo 3 qui sont invivables : je me souviens qu’à l’arrivée de la dernière Mini, les mecs étaient couverts de boutons et disaient « Plus jamais ça ! ». Tu es sous l’eau tout le temps, c’est extrêmement dur à vivre.” Dans ces conditions, Hugo Dhallenne miserait bien une pièce sur Paul Cloarec (Branchet Sonergia), “celui qui a le plus de milles au compteur et dispose d’un nouveau spi a priori plus performant.”
Proto : quatre pour la victoire
Si la liste des prétendants à la victoire en série se monte à une dizaine de skippers, elle semble beaucoup plus restreinte en proto, avec quatre marins tous cités, par nos spécialistes : François Jambou sur Team BFR Marée haute jaune, l’ex Maximum vainqueur de l’édition 2017 ; Erwan Le Méné sur le 800 Rousseau Clôtures (plan Lombard de 2011) ; Axel Tréhin sur Project Rescue Ocean (plan Lombard 2018) ; Tanguy Bouroullec sur le dernier proto sorti, le plan Verdier à foils Cerfrance construit par le chantier Structures de son père Christian. Pour les départager, les avis différent clairement.
Le 865 de François Jambou, vainqueur cette année de la Pornichet Select et de la Mini en Mai, a ses partisans, dont son ancien skipper Ian Lipinski qui estime que “le bateau reste exceptionnel et plus facile à mener sur la durée car il ne plante jamais”. Tanguy Leglatin pense de son côté que qu’il y a “un écart de niveau et de maîtrise en faveur du Maximum, qui va au moins aussi vite sous pilote, là où les autres sont obligés de s’arracher”.
Erwan Le Méné, vainqueur des deux étapes de la Transgascogne, peut-il de son côté prétendre à la victoire sur un bateau à la carène plus traditionnelle ? “Il aura quelques difficultés au reaching, mais son bateau est quand même super rapide et léger et il a vraiment un bon niveau”, estime Hugo Dhallenne, rejoint par Rémi Aubrun qui voit dans le 800 “un super bateau de VMG, fait pour ce type de parcours”. Ian Lipnski se montre plus circonspect : “Même si Erwan le connaît très bien, il va un peu moins vite et sur une course longue, si tout va bien pour tout le monde, il ne peut pas être devant“. Denis Hugues est sur la même ligne : “Erwan doit n’avoir qu’un souhait, c’est qu’il y ait du près pour sortir du golfe de Gascogne et de la pétole sur la deuxième étape, parce que dans les conditions de reaching, les trois autres vont le déposer”.
Du côté, des protos plus récents, le 945 d’Axel Tréhin, “très typé pour le médium jusqu’à 20 nœuds” selon Tanguy Leglatin, est vu par Hugo Dhallenne comme “désormais très abouti”, ce dont doute plus Ian Lipinski : “Pour moins planter, il a fait des modifs en rajoutant des ballasts à l’arrière afin de le cabrer et en allongeant le bulbe pour essayer de foiler un peu plus sur la quille, je ne suis pas sûr qu’il aura eu eu le temps de valider tout ça”. Rémi Aubrun trouve quant à lui le vainqueur du Trophée Marie-Agnès Péron et du Mini Fastnet “très solide”.
Quid de l’épouvantail Cerfrance, mis à l’eau début juin et récent deuxième de la Transgascogne ? “On s’est aperçus très vite que c’est un bateau bien né. Les foils, à certaines allures, c’est forcément un plus, il suffit de se dégager suffisamment dans du petit temps ou du médium pour faire de grosses différences”, estime Denis Hugues, Ian Lipinski ajoutant : “C’est probablement le meilleur bateau à terme. Avec les foils, il ne faut pas s’attendre à un gros plus tout le temps, à cause de la mer, mais peut-être que pendant deux jours, il va y avoir des conditions qui vont lui permettre d’aller 3 nœuds plus vite pendant deux fois dix heures“. Pour Rémi Aubrun, qui a pris la troisième place du Mini Fastnet avec Tanguy Bouroullec sur le foiler, les foils ne sont pas le seul atout : “Même sans foils, en mode archimédien, le bateau est impressionnant de rapidité au portant VMG, avec une carène très efficace qui traîne très peu d’eau.” Reste deux questions, posées en conclusion par Tanguy Leglatin : “Le bateau sera-t-il assez fiable et Tanguy aura-t-il eu le temps de trouver les manettes pour exploiter tout son potentiel ?” Réponse fin novembre en Martinique.
Photo : Christophe Breschi / Mini Transat La Boulangère