Onze équipages ont pris le départ, dimanche, à bord de monocoques de 23 mètres, de la 12e édition de la Clipper Round The World Race, course autour du monde réservée à des amateurs, entourés de deux professionnels par bateau. Tip & Shaft a interrogé des participants français, dont le skipper vainqueur de l’édition 2015-2016, Olivier Cardin, pour savoir comment fonctionnait cette épreuve organisée par Clipper Ventures, la société de Robin Knox-Johnston.
Ils sont 688, représentant 43 nationalités et répartis sur 11 Clipper 70, monocoques tous identiques de 23 mètres, à avoir quitté les docks de Londres, dimanche, pour prendre le départ de la 12e Clipper Round the World Race, qui s’achèvera aux alentours du 8 août 2020 au même endroit après une circumnavigation de 41 165 milles. Leur particularité ? A l’exception des 11 skippers et des AQP (additionnal qualified person, introduits sur la dernière édition en 2017-2018), ils sont tous amateurs… et surtout clients, puisque pour participer à cette course qui a lieu tous les deux ans, ils doivent signer un contrat avec l’organisateur, Clipper Ventures, et le chèque qui va avec.
Le montant ? Il dépend de la durée de la course : les « tourdumondistes », qui s’engagent pour la totalité de l’aventure – entre 7 et 9 par bateau sur des équipages allant de 19 à 24 selon la durée des étapes – versent 49 500 livres (54 600 euros au cours actuel), une somme qui inclut le « training package » correspondant au mois d’entraînement (6 500 £, 7 171 €), la nourriture à bord, un kit de vêtements fourni par Musto, partenaire de la course, et l’assurance, mais pas l’hébergement aux escales (il y a la possibilité de dormir dans le bateau). Les autres signent pour une ou plusieurs étapes : une étape comprend une ou plusieurs courses, par exemple la première comprend Londres-Portimao et Portimao-Punta del Este. Le tarif va de 5 500 £ (6 068 €) pour l’étape chinoise à 7 000 £ (7 723 €) pour la première du Grand Sud entre Le Cap et Fremantle.
Le recrutement débute par une simple candidature, comme l’explique Sandra Marichal, 32 ans, qui a abandonné son métier de conseil en stratégie chez Facebook à Singapour pour faire partie des « tourdumondistes » embarqués sur cette édition à bord du Clipper 70 aux couleurs de l’Unicef, dont elle est « team coordinator » : “J’ai connu la Clipper par une amie qui avait fait une étape, ça m’a intéressée, puisque, ayant fait un peu de voile par le passé, je rêvais de faire un tour du monde. J’ai donc postulé, avant de passer un entretien, puis le premier des quatre niveaux d’entraînement obligatoires. Après une semaine à Gosport, j’ai adoré et j’ai signé mon contrat.”
Dès lors, la jeune femme a poursuivi sa formation, qui dure 26 jours au total. Cette formation en quatre niveaux d’une semaine chacun se fait soit à Gosport, soit à Sydney pour les « crew members » situés de l’autre côté du globe, et se déroule en deux parties. “Les trois premiers niveaux, tout le monde est mélangé, explique Olivier Cardin, skipper du bateau vainqueur de l’édition 2015-2016, LMAX Exchange. Ce n’est qu’après, en avril, qu’est organisé le « crew allocation », qui, en fonction de toutes les notes prises pendant les sessions d’entraînement par les skippers et les observateurs, répartit les équipiers pour faire en sorte que chaque bateau soit composé du même nombre d’équipiers faisant le tour du monde en entier, qu’il y en ait à chaque fois un ou deux avec des compétences médicales, et que le niveau de la flotte soit homogène. La dernière semaine, on ne s’entraîne qu’avec son équipage.”
Les skippers et les AQT ont été de leur côté recrutés en amont après des appels à candidatures et des tests de trois jours sur l’eau en compagnie d’un équipage composé de membres de l’organisation et de la direction de course, ainsi que de volontaires ayant participé aux précédentes éditions. C’est le cas d’Olivier Cardin, qui, après avoir travaillé chez SFR et pris un congé parental familial de deux ans et demi en croisière, cherchait du travail dans le Solent. Ou de Hugues Stellio, 21 ans, l’un des deux AQT français de l’édition 2019/2020 à bord de Dare To Lead. L’un et l’autre ont été notamment formés au management et à la communication, mais aussi à la sécurité, dossier sensible dans une épreuve qui, sur plusieurs éditions, a été marquée par des décès en mer. “On s’entraîne énormément dessus, on fait un exercice d’homme à la mer quasiment tous les jours, et on répète sans cesse les procédures à appliquer : par exemple, dès qu’il y a plus de 15 nœuds, on doit tous être attachés aux lignes de vie, il y a des règles précises pour se déplacer à l’intérieur du bateau…”
Cela n’empêche pas les drames, ce qui fait dire à Olivier Cardin, qui, sans AQT à l’époque, avait dû gérer 65 équipiers venus de 11 pays différents lors de son édition victorieuse : “C’est une course difficile pour un skipper, presque le pire métier du monde : tu as jusqu’à 23 amateurs à bord d’un bateau que tu pousses quand même car ça reste une course, il y a des risques de blessure, de perdre quelqu’un à l’eau. Il faut aussi gérer l’ambiance à bord et satisfaire les attentes de tous, car même si on n’a pas forcément la relation qu’on peut avoir avec des clients quand on fait du charter et que les gens sont un peu formatés à la dure lors des entraînements, ça reste des clients avec des attentes différentes : certains sont là pour la compétition, d’autres veulent s’offrir une traversée océanique, voir des dauphins ou prendre du bon temps aux escales. Finalement, je me suis beaucoup amusé, mais par moments, quand ça soufflait fort, je me demandais où on allait. Pendant mon édition, il y a quand même eu deux décès, une personne frappée par l’écoute de grand-voile dans un empannage, une autre passée par-dessus bord.”
Reste que celui qui a pris goût à la compétition par la suite, au point d’enchaîner deux saisons en Class40 (il a terminé 9e de la dernière Route du Rhum et a repris cette année une activité professionnelle « normale » comme chef de projet chez Arkéa à Brest), se souvient d’une épreuve rémunératrice (4 500 € mensuels non imposables) et surtout d’une organisation qui n’a parfois rien à envier à celle des grandes courses au large professionnelles. “C’est un peu comme une mini Volvo, avec une importante logistique, beaucoup de choses organisées aux escales pour activer les partenariats des sponsors des bateaux [qui, aves les inscriptions, contribuent au budget total, qui ne nous a pas été communiqué, NDLR] mais aussi pour les équipages.” Impression confirmée par Sandra Marichal : “Médiatiquement, c’est très suivi, avec notamment la BBC, Sky Sports… L’ambiance à Londres avec la fanzone est impressionnante, ça fait penser à ce qu’on voit en France sur des grandes courses comme la Route du Rhum ou le Vendée Globe.”