Hong Kong Stopover. Ocean Summit. Johan Salén, Co-President Volvo Ocean Race. 22 January, 2018.

Johan Salén : “La Volvo Ocean Race a un très fort potentiel”

Après de longs mois de réflexion, les actionnaires de la Volvo Ocean Race ont donc choisi de vendre l’épreuve dont ils étaient propriétaires depuis 1997. Selon nos informations, deux entreprises étaient en finale : les Anglais d’Origin Sports Group (propriété de Keith Mills, proches d’Alex Thomson) et les Suédois Richard Brisius (50 ans) et Johan Salén (57 ans) d’Atlant Ocean Racing, actuels co-CEO de l’évènement. Ces derniers, fins connaisseurs de l’épreuve, ont été choisis ce jeudi comme repreneurs. En exclusivité pour Tip & Shaft, Johan Salén dévoile – dans un français parfait (il est marié à Christine Guillou, qui fut, entre autre, skipper d’EF Education lors de la VOR 1997-1998) – leurs ambitions pour la course.

Vous êtes, avec Richard Brisius, un des piliers de la Volvo Ocean Race depuis près de 30 ans, pouvez-nous nous résumer votre parcours ?
On s’est rencontrés avec Richard pendant la Whitbread 1989-1990 : je naviguais sur le bateau suédois The Card et lui avec les Italiens de Gatorade. Je finissais mes études à la Stockholm School of Economics, quand Roger Nilsson m’a appelé pour l’aider à monter un nouveau projet suédois sponsorisé par Intrum Justitia lors de l’édition 1993-1994. Puis, ensuite, EF nous a contactés pour gérer le projet à deux bateaux de l’édition 1997-1998. C’est là que Richard et moi, on a commencé à travailler ensemble, lui comme shore manager, moi comme project manager. Après la campagne EF, on a monté Atlant Ocean Racing et on a enchaîné avec Assa Abloy (2001-2002), les deux projets Ericsson (2005-2006 et 2000-2009) puis Team SCA lors de la dernière édition. On travaille ensemble depuis un peu plus de vingt ans et la seule édition de la Volvo Ocean Race où nous n’avons pas été impliqués depuis 1989, c’est celle de 2011-2012.

Vous n’étiez pas présents sur cette édition, mais Volvo vous a rattrapés…
Nous n’étions effectivement pas impliqués : j’avais d’autres activités et Richard s’occupe de la candidature de Stockholm pour les JO de 2026. Après la démission de Mark TurnerHenri Sténson, le président du conseil de la Volvo Ocean Race, ancien directeur de la communication d’Ericsson que nous avons connu lorsqu’il était sponsor, nous a appelés. Le board avait besoin d’une solution rapidement, quelqu’un qui avait l’expérience de la course. On a décidé d’y aller parce que c’était une opportunité unique : la Volvo est notre principale activité depuis près de trente ans, on adore ce milieu et cette course !

Racheter la course semble presque être un aboutissement logique pour vous…
Oui, c’est vrai ! On a commencé par naviguer, puis on a géré des projets, puis on a dirigé la course, puis on devient propriétaires. La boucle est bouclée, en quelque sorte. Pour nous, c’est un peu un rêve, parce qu’on pense qu’il y a un très fort potentiel.

Quel est, selon vous, le potentiel de la Volvo Ocean Race ?
Le concept de base, un tour du monde avec escales, a beaucoup de potentiel, à la fois d’un point de vue économique et d’un point de vue sportif. Commercialement d’abord, parce que ce n’est pas facilepour les grandes entreprises de trouver des épreuves qui soient vraiment internationales et qui durent longtemps, avec des retombées médias et des relations publiques sur tous les continents. Il y a d’autres options – comme la  Formule 1, par exemple – mais c’est beaucoup plus cher ou avec une image différente. Sportivement ensuite, je crois qu’on sous-estime vraiment à quel point cette course est difficile pour les équipages en mer :  c’est sans doute le challenge le plus difficile qui soit pour une équipe, et ça, c’est intéressant sportivement, mais aussi commercialement. Donc on pense qu’il y a le potentiel pour avoir plus de bateaux et plus de bonnes équipes.

Vous avez annoncé que Volvo restait sponsor de la prochaine édition en 2021…
Oui, cela nous donne une bonne base pour la prochaine édition. L’engagement de Volvo ne porte que sur la prochaine, il est possible qu’ils souhaitent continuer, surtout Volvo Cars [propriété du chinois Geely, NDLR] mais ce n’est pas sûr. Les discussions auront lieu dans deux ans. Volvo est un sponsor génial, mais ce n’était peut-être pas la bonne solution qu’il soit propriétaire. Deux grosses boîtes internationales, ça alourdit beaucoup le fonctionnement, même si ça marchait. Je crois que ce sera un avantage dans le futur, on sera plus agiles, plus flexibles que l’association Volvo Cars et Volvo Group. Les deux entités ne font presque plus rien ensemble, la seule chose qu’ils font ensemble, c’est la Volvo Ocean Race ! Leurs politiques de marques et leurs stratégies marketing sont de plus en plus différentes.

La course va-t-elle encore s’appeler Volvo Ocean Race ?
Bonne question ! (rires) Ce n’est pas encore totalement décidé, on doit trancher rapidement.

Est-ce que cela signifie que le budget de la prochaine édition est déjà bouclé ?
Entre le sponsoring de Volvo et les contributions des villes d’escales, le budget pour produire une édition identique à celle-ci est bouclé. Après, on a l’ambition de faire mieux, en particulier pour la communication, donc on va chercher des nouveaux sponsors. Mais nous ne sommes pas dépendants d’eux pour faire la prochaine course, c’est très très bien. Je pense que ce sera plus simple de commercialiser la course avec Volvo comme simple sponsor et non plus comme propriétaire. Certaines marques, souvent de taille petite ou moyenne, apprécient d’associer leur image avec celle de Volvo, qui est très forte, mais certaines grandes marques pouvaient hésiter à s’investir dans une épreuve qui appartenait à Volvo.

Le parcours de la prochaine édition est-il défini ?
Non, pas encore complètement. L’ambition pour le prochain parcours, c’est de réduire un peu le nombre d’escales, quelque chose comme deux de moins. En comptant Aarhus, on a 13 escales cette fois-ci : c’est un peu trop, la course est compliquée à suivre. Notre ambition, c’est de revenir aux racines de la course, à plus de simplicité. Cette édition a été un peu trop intense à certains moments, pour les marins et pour la logistique aussi. Il faut continuer à aller en Asie, bien sûr, mais je crois qu’on peut le faire plus simplement : faire le tour de l’Australie et revenir à l’ouest, par exemple, ça rallonge beaucoup. Après, nous souhaitons aussi plus de continuité dans les escales, on a trop changé de ports, il faut revenir plus souvent aux mêmes endroits.

Quels bateaux seront au départ en 2021 ? On sait que vous discutez depuis plusieurs mois avec l’Imoca
Ce n’est pas un secret que nous sommes en discussion avec l’Imoca, ça se passe très bien et cela va être désormais plus simple avec la vente. Notre ambition est très clairement de trouver rapidement un accord : on n’y est pas encore parce qu’on était jusque-là très concentrés à boucler le futur de la course et ça a été plus long qu’on ne le pensait. Après, l’Imoca est une classe surtout adaptée à la navigation en solo ou en double, cela va être très important de trouver une bonne mise en oeuvre pour naviguer en équipage en Imoca. C’est un travail que nous devons faire ensemble et c’est très important pour que cela fonctionne. Cela peut nous prendre quelques mois, nous ne sommes pas pressés.

Cela veut dire qu’il faudra modifier la jauge Imoca ?
Oui, il faut adapter une partie de la jauge Imoca à la navigation en équipage. Et, en même temps, il est très important que les bateaux qui existent ou sont en construction, puissent faire la Volvo Ocean Race. Si ce sont des bateaux complètements différents avec le même certificat de jauge, cela ne sert à rien, on perd toutes les synergies que nous recherchons. Pour que ça fonctionne bien, il faut aussi que les bateaux des équipes de la Volvo puissent faire d’autres courses en double ou en solitaire. La Volvo Ocean Race a toujours eu un bateau un peu « isolé », ça toujours été une faiblesse.

Que devient le projet de Super Sixty ?
Le projet de Super Sixty tel qu’initialement prévu est abandonné, il était dépendant des financements de Volvo. En même temps, beaucoup de travail a été fait, donc ce serait dommage de ne pas l’utiliser. Le dessin est disponible pour quelqu’un qui veut construire un Imoca sur plans Verdier. Guillaume est convaincu que s’il devait faire un Imoca aujourd’hui, ce serait le même bateau que le Super Sixty. Pour nous, ce serait dommage de ne pas l’utiliser. Volvo Ocean Race est propriétaire des plans, mais les coureurs doivent discuter directement avec Guillaume, avec qui on a un accord de reversement de royalties s’il vend les plans.

Les actuels VO65 pourraient s’aligner sur la prochaine édition, selon le communiqué de presse d’hier…
On ne sait pas encore, c’est quelque chose que l’on doit trancher rapidement. Dans le cas où deux classes cohabiteraient, la classe principale serait bien sûr l’Imoca. Il faut qu’on réfléchisse encore un peu, on a pas mal de réunions prévues avec les équipes, on espère décider d’ici la fin de la course.

La course va-t-elle rester à Alicante ?
Oui, cela marche très bien, il n’y a pas de raison de changer ça.

Une dernière question : à quel prix avez-vous acheté la Volvo Ocean Race ?
Avec une société comme Volvo, on ne peut strictement rien dire à propos des contrats signés. Pour eux, le plus important, c’était de trouver une solution pérenne pour le futur : même s’ils vendent aujourd’hui, leur nom va rester impliqué pendant dix ans. Une course comme la Volvo Ocean Race ne gagne pas d’argent, elle génère plutôt des pertes, donc c’est dur à vendre pour une grosse somme. Notre objectif est au moins de ne pas perdre d’argent ! Si on peut être rentable, c’est un bonus, mais on ne s’attend pas à gagner beaucoup d’argent à court terme. On sait que ça ne marche pas comme ça. Le plus important, c’est de monter une structure solide et de faire grandir la plateforme existante.

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