Loin des projecteurs médiatiques habituels des grandes épreuves transatlantiques de course au large, la neuvième édition de la Transquadra Martinique s’apprête à partir pour Madère, le 12 juillet de Barcelone et le 16 juillet de Lorient. Et pourtant, malgré sa discrétion, la Transquadra – qui se déroule tous les trois ans – fait rêver beaucoup de monde. Par sa popularité auprès des marins, d’abord : avec 95 bateaux inscrits (26 en solo, 69 en double), elle peut se targuer d’aligner le plus grand nombre de concurrentssur la ligne de départ d’une transat, devant la Route du Rhum (91 bateaux en 2014) et la Mini-Transat (84 bateaux cette année).
La recette, depuis la création de la course en 1993 par Mico Bolo dans le sillage des Vieux Safrans (désormais Course des Iles), reste la même : deux étapes séparées de 6 mois et courues pendant les vacances d’été et de février (arrivée au Marin, en Martinique) ; un âge minimum de 40 ans ; des bateaux de série de 9 à 12 mètres, stockés à terre pendant l’escale à Madère. Résultat : un engouement qui ne se dément pas. “Nous avons plus de 90 inscrits à chacune des trois dernières éditions, revendique Mico Bolo. Un tiers des concurrents ont déjà participé, certains reviennent pour la sixième fois !” Résultat, les places dans les dix premiers valent très cher, avec un niveau sportif qui ne cesse de grimper.
Des inscrits à la sociologie très marquée CSP+ : nombre des concurrents sont chefs d’entreprise ou professions libérales et financent leur participation sur fonds propres, beaucoup d’entre eux offrant traditionnellement leur nom de course à une association caritative. Ce statut amateur est très clairement affiché par les organisateurs, anciens de l’épreuve et tous bénévoles au sein de l’association qui gère la course, interdite aux coureurs pros. Mieux, ils revendiquent se démarquer des “grosses” transats : “Les professionnels repartent en avion à peine arrivés, raille Mico Bolo, nous, on reste et les familles nous rejoignent.”
Le modèle économique de la course repose donc avant tout sur les droits d’inscription, qui s’élèvent à 2 500 euros TTC pour un solitaire et 3 500 euros TTC pour les doubles, soit plus de 300 000 euros de recettes qui représentent un peu plus de la moitié du budget de la course, dixit les organisateurs. La Transquadra ne bénéficie pas de sponsor-titre commercial… et cela convient très bien à Mico Bolo : “C’est très confortable de ne pas avoir de sponsor majeur, comme ça il ne dicte pas sa loi ! Il y a beaucoup de contraintes dans les courses commerciales“.
En l’absence de têtes d’affiches – et donc de retombées médias -, ce que la Transquadra vend, c’est surtout l’impact économique de son passage, puisque la course est conçue pour que les familles puissent accompagner les marins – 550 billets d’avion pour l’escaleont été émis lors de la huitième édition, selon les organisateurs. “Madère a estimé les retombées de la dernière édition à 580 000 euros“, rappelle Franck Lang, le président de l’association, ancien entrepreneur du BTP de Saint-Nazaire.
En plus d’échanges marchandises, et à côté d’une poignée de partenaires privés qui versent un peu de cash, l’autre moitié des revenus provient donc de subventions des collectivités locales lorientaises et morbihanaises – qui accueillent le départ pour la première fois -, portugaises et, surtout, martiniquaises – le département est partenaire-titre de l’épreuve. Pour quel montant ? “C’est notre sauce, c’est un peu compliqué à expliquer, balayent les organisateurs, malgré notre insistance. Si on comptait tous nos frais et toutes nos heures, la course ne partirait pas !” On n’en saura pas plus : sur l’eau comme à terre, la Transquadra est une affaire qui tourne…
